Erik Severeid a fait parvenir à notre Président d’ Honneur Lucien-François Bernard, ce témoignage qu”il a écrit à l’occasion de la disparition récente de Barry Curtis, une “figure” mémorable du petit monde des 356 de l’ époque des pionniers. Un grand motoriste aussi, parmi les tout meilleurs.
Lucien ajoute ceci à son propos
Même si je ne le voyais plus très souvent sa disparition crée un véritable manque - je pense souvent à lui car il a été un des premiers véritables amis, à la fin des années 70 avec qui j'ai partagé mon enthousiasme pour Porsche et plus généralement pour les « choses à moteur » même quand elle n’avait que deux roues … je me souviens être parti avec lui au nord de la Hollande avec ma Volvo 144 GT à l’époque … pour récupérer le stock de pièces de l’ancien importateur moto Rumi Hollandais … une véritable expédition … et puis les courses VEC, à Dijon à Nogaro … toute une époque.
Ici avec l’auteur Erik Severeid à Goodwood en 2000en train de mettre au point une stratégie de course imparable
Barry, chez lui..
Là où il se sentait le mieux
Mon ami Mate
Le 29 octobre mon cher ami et Motor-Meister Barry Curtis, nous a quittés. Alors que beaucoup aux US n’ont jamais eu l’occasion de le croiser, ceux qui ont eu cette chance en Europe se souviennent sans doute de pas mal d’ histoires drôles ou étonnantes au cours d’évènements 356.
Mon bout de chemin avec Barry a commencé il y a environ 35 ans, alors qu’ arrivé récemment comme un « Américain à Paris », je le rencontrais pour la première fois lors d’un dîner traditionnel du 356 Club de France. Cette soirée avait failli me coûter cher. Rien de moins qu’un annulation de mariage, lorsque jeté dehors sur un trottoir à 5 heures du matin, je rejoignais ma fiancée à laquelle j’avais promis de rentrer au plus tard vers 11h. La pauvre m’attendait désemparée dans un appartement sans téléphone et sans connaitre personne dans un pays dont elle ne parlait pas la langue. Elle ne savait même pas comment appeler la police !
Quelques semaines plus tard, Barry me téléphonait pour me dire qu’il avait trouvé une 356 et « qu’il fallait impérativement aller la voir le jour même ! ». Après avoir vu la voiture, je décidais de l’acheter, mais j’étais un peu court de 600 $ pour atteindre le prix proposé de 2100 $ ! Barry sortit son carnet de chèque et me prêta immédiatement l’argent nécessaire, moi qu’il rencontrait pour la deuxième fois seulement. « Cette voiture t’attendait » me dit-il. Depuis ce jour, elle est toujours avec moi.
Mais ce n’est que plus tard, que Barry décidait de faire de sa passion un métier et qu’il abandonnait un job lucratif dans le pétrole au Moyen-Orient, pour passer plus de temps avec des moteurs de course, mais aussi avec sa chère épouse et ses enfants.
Barry était toujours reconnaissant des avis et du savoir-faire qu’il obtenait de Vic Skirmants avec lequel il partageait de longues conversations transatlantiques. Et toujours, généreux, il n’hésitait pas à son tour à transmettre ce qu’il avait appris à ceux qui voulaient bien le lui demander. Nombreux sont ceux aujourd’hui qui gagnent leur vie sur ce qui leur a été ainsi transmis, mais qu’ils conservent jalousement.
Dans les années 90 il créait Red Nicar Racing (La culotte rouge) avec Adam Richardson, Mike Smith et Bill Stephens . Car la course c’était ce qu’il aimait le plus pour passer du bon temps.
Il voulait que ses 356 soient toujours les meilleures. Et dans la réalité, elles l’étaient. Ses moteurs ne cassaient jamais s’ils étaient convenablement entretenus et suivis. Son Red Nicar gagna le Championnat d’ Europe 3 fois. Devant les voitures et les pilotes d’usine. Toujours et que ce soit en Allemagne, en France, en Belgique en Italie, en Espagne ou aux Pays-Bas. Et bien entendu au Royaume Uni. Course après course, le Red Nicar Racing gagnait.
Lorsque la nouvelle du décès de Barry s’est répandue, nombreux furent ceux qui dirent simplement « c’était un mec bien » . Un type qu’ils étaient contents d’avoir connu. Mais il était sans doute plus que ça. Un de ceux pas très nombreux qui ont placé la 356 au niveau d’un mythe devenu aussi recherché aujourd’hui.
Chaque fois que je devais me rendre en Europe pour mes affaires, Barry venait m’attendre à l’ aéroport, toujours en Porsche. Je me souviens d’une fois, un dimanche matin à la Gare Victoria à Londres, avec 20 cm de neige dans les rues. Et il était là avec le Speedster que je lui avais trouvé aux US. Et nous avions les rues de Londres pour nous tout seuls et le plus souvent en travers. Evidemment en arrivant dans le Hertfordshire on était à moitié gelés mais il fallut enlever la capote pour enchaîner des drifts sans fin. Mais il y aurait tellement à raconter sur nos balades et nos escapades.
Je me demande d’ailleurs si Barry ne préférait pas réparer des pannes au bord de la route plutôt que d’arriver sans encombre. C’est ainsi que nous eûmes droit à une séquence « changement de carbus sur la route de Dijon », ou « l’histoire amusante des tuyaux d’essence du Meeting d’ Avignon ». Ou encore l’histoire des banderoles Porsche subtilisées discrètement la veille d’un meeting au Nurburgring qui avait été particulièrement arrosé. Le Club 356 anglais doit toujours les avoir quelque part à mon avis !
Un jour à Paris, Barry conduisait son minibus VW qui avait la conduite à droite. Pour prendre les parisiens à un de leurs jeux favoris, il convainquit son ami Kevin de prendre le volant, tandis que lui s’installait à gauche à la place « normale » du chauffeur. Arrivé Place de l’ Etoile, il brandissait par la fenêtre un volant de rechange en poussant des cris d’horreur, tandis que Kevin zigzaguait de manière alarmante. Ce fut comme Moïse ouvrant la mer morte ! Les voitures se sont garées de part et d’autre très vite et le Minibus fit une traversée express de la terrible Place !
La vraie richesse d’un homme, c’est la qualité de ses amis. Et c’était bien à eux qu’on reconnaissait Barry. Un jour, lors d’une course dans le sud de la France, son camion fut dévalisé et avec lui, sa boite à outils, mais surtout, tout son outillage Porsche. Lorsque la nouvelle se répandit dans le paddock, tous ses concurrents et amis lui apportèrent ce qu’ils avaient afin de lui permettre de continuer. Malheureusement, on ne retrouva jamais les outils Porsche.
Malgré la largeur de la « grande mare » qui nous séparait, nous ne passions jamais beaucoup plus d’une semaine sans nous appeler pour nous raconter toutes sortes d’ aventures ou d’exploits.
Lorsqu’en février il me confia la mauvaise nouvelle, il m’annonça en même temps que LeRoy, son chat adoré, n’était pas au mieux non plus . Avec son humour si typique il ajouta : « tu comprends c’est une course entre lui et moi ». Malheureusement c’est LeRoy qui a gagné.
Alors lorsque le moment de nous dire Adieu fut venu, il me revint une pensée de Will Rogers qui dit : « S’il n’y a pas de chiens au paradis, je veux aller là où vont les chiens ». Pour moi, si Barry ne va pas au paradis, je veux aller là où il ira !
Parce que là où il sera, les 356 seront toujours réglées au petit poil, les circuits 6 Volts marcheront vraiment et tout fonctionnera bien mieux qu’à l’origine..
God bless, keep the shiny side up and most of all, keep the 356 faith.
Erik Severeid
(traduit par Claude Dumas-Pilhou)
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