C'est à un véritable festin que nous convient les organisateurs de Techno Classica dont la 20ème édition a battu de nouveaux records. De quoi ramener notre Rétromobile au niveau d'un évènement provincial, sinon cantonal. Qu' on en juge, plus de 1000 exposants de 26 pays différents (dont assez peu de Français) et des milliers de visiteurs qui se pressent sur une durée beaucoup plus courte par contre, 5 jours. Et pour tout voir, il faut de solides chaussures, une bonne condition et au moins deux jours, puisque 'il n' y a pas moins de 12 (!) halls à visiter. Plus sérieusement et par rapport à Rétromobile qui succombe parfois volontiers à une vision plus esthétique, ce sont les voitures et le business qui ont ici la priorité. On est clairement là pour vendre et pas seulement pour montrer. Et l' offre est immense, car ce sont bien plusieurs milliers de voitures qui sont ainsi offertes à la concupiscence publique d'acheteurs venus de tous les pays du monde. Et ça marche, si on en juge au nombre de panneaux "Verkauft" qui fleurissent chaque matin sur les pare-brise.
Le mouvement "voitures anciennes" qui était encore relativement peu développé en Allemagne au début des années 90 s'est extraordinairement professionnalisé sous l' influence de grands marchands dont certains ont plusieurs show-rooms et ateliers de restoration intégrés et qui disposent de stocks extrêmement conséquents "d' oldtimers" aussi bien que de GT et autres "Exoten" modernes. Plus de 300 voitures parfois...La faiblesse du dollar ainsi que l'arrivée de spéculateurs ou de nouveaux clients venant de l' Est, a fait le reste. Les constructeurs s'y sont mis aussi et rivalisent d' initiatives pour soutenir le mouvement et donc enraciner leur marque dans l'imaginaire collectif. C'est à qui prendra le plus de place, la palme revenant à Mercedes Benz qui occupe le Hall 1, comme à Francfort ! Porsche n'est pas en reste non plus avec le Hall 2 ou voisinent la représentation officielle des Club Classic et de l' usine, ainsi que des grands marchands spécialisés dans la marque. Y compris un célèbre Français, dont l'impériale présentation d'une série de protos de course et de moteurs, superbement présentés sur son Kombi (ou Bulli) à plateau allongé (repro) aux armes de Rennstal Bunker, ne pouvaient qu' émouvoir le chaland.
Conséquence logique du Dollar faible, on a l'impression aussi d'un grand siphonnage du parc US Mercedes en particulier en direction de la patrie d' origine. Les Gullwing et SL Roadster ainsi que les grosses berlines Adenauer et les rares Coupés 300S, les 190 SL et même désormais les 280 SL ont pris le chemin du retour et alimentent des ateliers très spécialisés qui les offrent en état de neuf à des prix astronomiques. (600K€ pour un Roadster SL "neuf"). La Mercedes 600, longtemps jugée irréparable avec sa complexe suspension pneumatique n'échappe pas au phénomène et se présente désormais comme une concurrente sérieuse de la Maybach. Sans parler des avant-guerre qui conservent bien entendu leur statut hors-compétition.
Pour ce qui concerne le monde Porsche et outre la 356 sur laquelle nous reviendrons, autant dire tout de suite que les 911 "mieux que neuves", toutes catégories confondues, ne manquent pas sur le marché allemand. Les toutes premières versions en châssis court sont par contre plus rares, car souvent atteintes du même mal que nos vieilles bêtes et contre lequel nous luttons sans répit. En bon état elles constituent donc de bons investissments. Et parmi elle, les versions Targa montent en flèche, particulièrement appréciées dans la période pré-cabrio de la 911 , avec de très beaux modèles qui affichent désormais des prix euh...confortables. 105000€ pour cette 911T mieux que neuve, il est vrai, présentée d' ailleurs par un Français (Art Collection)
Autant dire tout de suite que le marché allemand, désormais mature et organisé tend à valoriser pour mon goût à l'excès, la sur-restauration, suscitant ainsi une inflation des prix qui devient préoccupante si on considère le prix d'un modèle neuf oserai-je dire équivalent...Et comme en Allemagne, on aime les standards, les états des autos ont été établis en 4 classes auxquelles il est souvent fait référence pour justifier du prix:
- Classe 1: modèle reconstruit au niveau neuf ou mieux que neuf, toutes pièces refaites ou neuves. Si on roule un peu, on tombe immanquablement en classe 2 assez vite..
- Classe 2: modèle zéro défaut mécanique, aucune rouille perforante, excellent état général, mais portant des traces d' usage et une certaine patine.
- Classe 3: modèle d'usage qui passe cependant les tests du sévère Tüv et qui peut donc^circuler, bien que des travaux doivent être entrepris: la bonne occase..
- Classe 4: modèle à restaurer d'urgence et qui ne peut circuler en l' état
Ces niveaux sont souvent appréciés par des experts indépendants désormais organisés et qu' il est prudent de consulter en cas d' achat. Les écarts de prix sont évidemment conséquents. Facilement 30 à 40 % entre un Classe 1 et un Classe 2.
Clairement la Techno-Classica est une grande marché d'offre que les marchands allemands préparent avec soin. Les prix sont évidemment au ciel, Klasse "teuer" , pour du matériel dont la qualité est le plus souvent irréprochable, au moins sur le plan statique. Avec de temps en temps, une "affaire", dont le prix tout simplement normal, éveille en vous tous les soupçons ! Bref, si Techno-Classica mérite indiscutablement le détour, privilégier une visite de deux jours et plutôt en début de salon ! Et pour faire un deal, revenir plutôt à la fin, si la voiture est encore là ! Car indiscutablement en France, on a un problème de pouvoir d'achat !